mercredi 3 octobre 2012

Qu’est-ce que l’effet de halo (et pourquoi pratiquement tout ce que l’on peut lire sur les entreprises est faux) ?



De nombreuses analyses sont menées pour essayer de comprendre les raisons du succès (ou de l’échec) des entreprises. Malheureusement, la plupart de ces analyses sont fausses …


L’expérience de Barry Staw
Au milieu des années 1970, Barry Staw a mené l’expérience suivante. Il a commencé par demander à plusieurs groupes d’étudiants de prédire le chiffre d’affaires et les bénéfices futurs d’une entreprise à partir de ses bilans des années passées. Il a alors attribué des notes aux groupes … de manière totalement aléatoire. Puis, il a demandé aux étudiants de remplir un questionnaire décrivant la manière dont leur groupe avait travaillé. Comme on pouvait un peu s’y attendre, les étudiants des groupes qui avaient été bien notés ont tous indiqué qu’ils avaient fait preuve de motivation, que la dynamique du groupe était bonne et qu’ils s’étaient bien amusés ! Les étudiants des groupes qui avaient été mal notés ont tous dit l’inverse …Que s’est-il passé ?

Comme il est difficile d’évaluer quelque chose d’aussi complexe que la dynamique d’un groupe, les étudiants sont donc partis de la performance de leur groupe … et en ont inféré la qualité de sa dynamique. Ce phénomène est appelé effet de halo. Il a été étudié pour la première fois dans les années 1920 par le psychologue américain Edward Thorndike.

L’effet de halo dans le monde des affaires

Comme l’a bien montré Phil Rosenzweig, l’effet de halo est très répandu dans le monde des affaires. Il est difficile d’évaluer objectivement la stratégie d’une entreprise par exemple. Lorsqu’une entreprise se porte bien, on a alors tendance à conclure que sa stratégie est bonne. Lorsque sa performance se met à décliner, on est tenté de conclure que sa stratégie est mauvaise … même si elle n’a pas changé.

L’histoire de Cisco illustre bien ce phénomène. Entre 1995 et 2000, Cisco connaît une croissance très rapide. En mars 2000, sa capitalisation boursière atteint 555 milliards de dollars. Des magazines comme Business Week et Fortune vantent alors sa stratégie brillante. Ils insistent notamment sur sa capacité à écouter ses clients (« Aucun constructeur de réseaux ne s’est jamais focalisé sur les clients avec la précision chirurgicale dont Cisco a fait preuve dès le premier jour ») et à bien choisir puis intégrer les entreprises qu’elle acquiert (« Cisco a fait de l’acquisition une véritable science ... son aptitude à l’intégration est légendaire »). Son PDG, John Chambers, est également considéré par la presse comme le meilleur du monde. En avril 2001, la capitalisation boursière de Cisco perd 80% de sa valeur suite à l’éclatement de la bulle Internet. Les mêmes magazines se mettent alors à déplorer la pauvreté de sa stratégie. Ils remettent notamment en cause son orientation client et sa politique d’acquisitions … Cisco aurait « une attitude cavalière face à des clients potentiels » et ses techniques commerciales seraient « exaspérantes » pour ses clients … En dépit du bon sens, Cisco aurait « acheté tout ce qui bougeait entre 1993 et 2000. » En particulier, sa « diversification dans les produits de télécommunications révélait son côté fanfaron, suffisant, et une assurance qui confinait à la naïveté. »

Quelles leçons tirer de l’exemple de Cisco ?

Il est possible que Cisco ait radicalement changé entre 2000 et 2001 … mais c’est peu probable. Sa baisse de performance doit certainement beaucoup plus à l’éclatement de la bulle Internet qu’à la détérioration de sa stratégie. Plus fondamentalement, on peut se demander si les observateurs ont vraiment compris ce qui se passait … On ne peut pas vraiment reprocher aux journalistes d’être les victimes de l’effet de halo. Ils travaillent dans l’urgence et n’ont donc pas forcément le temps de mener des enquêtes approfondies. Il est plus gênant que certains « best sellers » du management soient également contaminés par l’effet de halo. On peut notamment penser à La révolution en tête, un ouvrage du « gourou » Gary Hamel qui glorifiait Enron … avant que l’on finisse par s’apercevoir que son succès reposait sur une fraude massive.

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