jeudi 15 novembre 2012

Le célèbre modèle SWOT est-il biaisé ?



Le modèle SWOT (Strengths Weaknesses Opportunities Threats) est utilisé dans de nombreuses entreprises. Une recherche récente montre qu’il comporte un biais fondamental.

Les deux recommandations du SWOT
Le modèle SWOT (Strengths Weaknesses Opportunities Threats) suggère que la stratégie est le résultat de la confrontation des forces et faiblesses d’une entreprise (Strengths and Weaknesses) aux opportunités et menaces de son environnement (Opportunities and Threats). Il est particulièrement apprécié par les managers. Il sous-tend également la plupart des manuels de stratégie.

Comment une entreprise peut-elle maximiser sa performance ? Deux recommandations peuvent être déduites du modèle SWOT. La première recommandation est fondé sur l’analyse de l’environnement (analyse externe). Elle suggère de choisir un secteur d’activité attractif. Si de nombreux facteurs déterminent l’attractivité d’un secteur, les secteurs les plus rentables sont souvent ceux dans lesquels l’intensité de la concurrence est limitée. Le modèle recommande donc d’opter en priorité pour les secteurs qui se caractérisent par une faible intensité concurrentielle. La seconde recommandation est fondée sur l’analyse de l’entreprise (analyse interne). Le modèle conseille de tout faire pour développer un avantage concurrentiel. Il sera alors possible de dominer ses concurrents

Des recommandations contradictoires …
En bref, la rentabilité d’une entreprise dépend à la fois de l’attractivité de son secteur d’activité et de sa capacité à développer un avantage concurrentiel à l’intérieur de ce secteur. D’après Michael Porter, l’un des plus grands « gourous » de la stratégie : « La structure du secteur détermine la rentabilité moyenne du secteur … L’avantage concurrentiel détermine si la rentabilité est supérieure ou inférieure à celle de la moyenne du secteur. » La plupart des gens en déduisent alors que le nec plus ultra de la stratégie est de choisir un secteur d’activité attractif et d’y développer un avantage concurrentiel. Malheureusement, ce raisonnement est faux …

Comme le montre une étude récente de Richard Makadok, les deux recommandations du modèle SWOT ne sont pas complémentaires. Elles sont contradictoires ! D’un côté, recommander aux managers de choisir un secteur d’activité attractif revient implicitement à choisir un secteur d’activité dans lequel il est possible de s’entendre avec ses concurrents (et à le faire …). D’autre part, recommander aux managers de développer un avantage concurrentiel revient à leur demander de dominer leurs concurrents. Il n’est pas cohérent de conseiller en même temps à une entreprise de s’entendre avec ses concurrents et de tout faire pour les battre … Si l’attractivité d’un secteur d’activité repose sur la faiblesse de l’intensité concurrentielle, chercher à battre ses concurrents sera contre-productif. En effet, cette démarche belliqueuse augmentera l’intensité concurrentielle … ce qui finira par réduire la rentabilité du secteur.

Quelles implications pour les entreprises ?
Le fait que les deux recommandations du SWOT soient contradictoires peut paraître gênant. Ce n’est pas forcément le cas. En effet tout dépend de la capacité d’une entreprise à développer un avantage concurrentiel. Les entreprises qui n’ont pas d’avantage concurrentiel ont intérêt à opter pour un secteur d’activité où la concurrence est bridée … et à tout faire pour qu’elle le reste en s’entendant avec leurs concurrents (en utilisant un lobbying intensif auprès des pouvoirs publics voire en recourant à la collusion). En revanche, les entreprises qui ont un véritable avantage concurrentiel ont intérêt à opter pour un secteur d’activité où la concurrence n’est pas bridée. Elles pourront alors pleinement bénéficier de leur avantage concurrentiel en dominant leurs concurrents. Wal-Mart illustre bien cette démarche. Lorsque cette entreprise de distribution s’est implantée dans les petites villes américaines, elle n’a pas cherché à s’entendre avec les petits commerçants. Elle a tout fait pour les battre … et elle y est aisément parvenue !

1 commentaire:

  1. Bonjour, Jérôme. Merci beaucoup pour la présentation de mes recherches en français. Cette recherche a été publié dans deux articles académiques:

    Makadok, Richard (2011). “The Four Theories of Profit and Their Joint Effects.” Journal of Management 37(5): 1316-1334.

    Makadok, Richard (2010). “The Interaction Effect of Rivalry Restraint and Competitive Advantage on Profit: Why the Whole Is Less Than the Sum of the Parts.” Management Science 56(2): 356-372.

    Merci,
    Richard Makadok

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