vendredi 15 février 2013

A quoi servent vraiment les stock options ?



De nombreux dirigeants sont rémunérés à l’aide de stock options. Quelle est l’influence de ce mode de rémunération sur leur comportement ? Permet-il d’améliorer la performance des entreprises ?

Pourquoi des stock options et pas seulement des actions ?
Il est assez facile d’expliquer pourquoi les actionnaires préfèrent que les dirigeants des entreprises dans lesquelles ils investissent soient également actionnaires. Lorsqu'un dirigeant est actionnaire, il raisonne plus comme un actionnaire que lorsqu'il ne l'est pas ! Distribuer des actions aux dirigeants permet donc « d’aligner les intérêts » des deux parties. Mais alors pourquoi des stock options et pas uniquement des actions (« stock » en anglais) ?

Alors que les actionnaires peuvent investir dans plusieurs entreprises à la fois, les dirigeants travaillent pour une seule entreprise. S’ils la « coulent », ils seront poussés vers la sortie … et ils auront les plus grandes difficultés à trouver un nouvel employeur. Tout cela les incite donc à être relativement prudents … alors que les actionnaires savent bien qu’il est difficile (voire impossible) pour une entreprise d’être très performante sans prendre de risques.

L’influence des stock options sur la stratégie …

Dans une étude menée sur 950 entreprises américaines, Gerard Sanders et Donald Hambrick ont commencé par montrer que plus les dirigeants sont rémunérés en stock options, plus ils ont tendance à prendre des risques en investissant massivement (aussi bien dans des actifs immatériels comme la R&D que dans des actifs matériels comme de nouvelles usines). Ils ont également tendance à faire plus de fusions / acquisitions. Pourquoi ? En cas de succès, les gains potentiels sont illimités. Les dirigeants pourront débloquer leurs stock options et toucher la différence avec le prix de l’action au moment de l’attribution des stock options. En cas d’échec, les pertes restent limitées. Les dirigeants ne pourront pas débloquer leurs stock options mais ils ne perdront rien.

… et sur la performance des entreprises
Une question reste en suspens : cette prise de risque accrue est-elle bénéfique pour les entreprises ? Les résultats de l’étude sont très clairs à ce niveau. Comme on pouvait s’y attendre, plus les dirigeants adoptent des stratégies risquées, plus la performance des entreprises devient extrême. Dans certains cas, il est très supérieur à ce que les entreprises auraient connu en adoptant des stratégies moins risquées. Dans d’autres cas, elle est catastrophique … bien pire que si les entreprises avaient adopté des stratégies moins risquées.

De manière plus inattendue, Sanders et Hambrick observent que les pertes extrêmes sont beaucoup plus fréquentes que les gains extrêmes. Lorsque les stock options représentent plus de la moitié de la rémunération du PDG par exemple, ils observent des pertes extrêmes dans 10% des cas et des gains extrêmes dans seulement moins de 7% des cas … En d’autres termes, on peut pousser les dirigeants à prendre plus de risques en les rémunérant à l’aide de stock options … mais cette prise de risques accrue se solde plus souvent par une mauvaise performance que par une bonne performance !

Au final, les résultats de l’étude soulignent surtout les effets pervers des stock options. Les dirigeants dont la rémunération comporte une grande partie de stock options ont tout à gagner d’une augmentation du cours de bourse de leur entreprise … et beaucoup moins à perdre d’une baisse. Les yeux rivés sur les gains potentiels, ils ont tendance à prendre des risques beaucoup trop importants … qui se matérialisent plus souvent par des échecs que par des succès.

mardi 5 février 2013

Que doit faire une entreprise en période de récession ?



En période de récession, les entreprises ont souvent tendance à réduire leurs coûts. Est-ce vraiment la bonne solution ? N’auraient-elles pas plutôt intérêt à investir ? Ou à faire les deux ?

 Ranjay Gulati, Nitin Nohria et Franz Wohlgezogen ont récemment étudié un échantillon de 4.700 entreprises américaines pendant trois périodes de récession : 1980-1982, 1990-1991 et 2000-2002 (la période actuelle n’est pas encore prise en compte …). Leurs résultats sont assez déprimants : 17% des entreprises ont fait faillite et près de 80% d’entre elles n’ont jamais retrouvé leur niveau de performance préalable. En revanche, 9% d’entre elles en sont sorties plus fortes qu’avant (aussi bien en termes de croissance que de rentabilité). Comment ont-elles fait ? Si plusieurs stratégies peuvent être adoptées en période de récession, seule l’une d’entre elles est optimale …

La stratégie défensive
La stratégie défensive consiste à mettre l’accent sur la réduction des coûts et à repousser les investissements à des jours meilleurs. Si cette stratégie est très courante, les résultats de l’étude montrent qu’elle n’est pas forcément optimale. En moyenne, les entreprises qui la mettent en oeuvre n’ont que 21% de chances de sortir d’une récession plus fortes qu’avant. Pourquoi ? La réduction des coûts mène souvent à une dégradation de la qualité … et à une baisse de la satisfaction des clients. Elle conduit également à une démobilisation du personnel et à la destruction de certaines compétences. Lorsque la croissance est de retour, l’entreprise est affaiblie … et elle ne parvient pas à « redémarrer ».

La stratégie offensive
La stratégie offensive consiste à se servir d’une récession comme d’une occasion pour investir massivement. Les entreprises qui adoptent cette stratégie profitent notamment de la morosité ambiante pour racheter des concurrents à vil prix. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette stratégie donne de meilleurs résultats que la stratégie défensive. En moyenne, les entreprises qui la mettent en oeuvre ont 26% de chances de sortir de la récession plus fortes qu’avant. Toutefois, cette stratégie n’est pas optimale car elle conduit souvent à nier la gravité de la crise et à refuser de faire les ajustements nécessaires (essentiellement en matière de réduction des coûts).

La stratégie mixte
La stratégie mixte consiste à jouer simultanément sur les deux tableaux. A première vue, réduire les coûts (pour accroître ses chances de survie pendant la récession …) tout en investissant (pour être prêt à « redémarrer » après la récession …) ne semble pas être une démarche révolutionnaire. Elle est pourtant difficile à mettre en œuvre. En effet, il existe trois manières de réduire les coûts (réduire les effectifs, améliorer l’efficience opérationnelle ou faire les deux) et trois manières d’investir (investir dans des actifs immatériels comme le marketing et la R&D, investir dans des actifs matériels comme de nouvelles usines ou faire les deux). Au total, cela fait donc neuf combinaisons … dont l’efficacité varie sensiblement. Surtout, la stratégie mixte génère des tensions au sein de l’entreprise car il est toujours difficile de demander des sacrifices à certains tout en investissant sur d’autres …

En moyenne, les résultats de l’étude suggèrent que les entreprises qui optent pour l’une des neuf combinaisons ont 29% de chances de sortir de la récession plus fortes qu’avant. Mieux, l’étude montre qu’une des neuf combinaisons surclasse toutes les autres. Cette combinaison optimale consiste à réduire les coûts en accroissant l’efficience opérationnelle (plutôt qu’en réduisant les effectifs …) tout en investissant à la fois dans les actifs immatériels et matériels. En moyenne, les entreprises qui l’utilisent ont 37% de chances de sortir de la récession plus fortes qu’avant.

En résumé, les entreprises qui ont le plus de chances de sortir renforcées d’une période de récession sont celles qui optent pour une stratégie mixte. Elles sont conscientes qu’il est nécessaire de réduire les coûts pour survivre … mais elles n’hésitent pas non plus à investir pour l’avenir.