vendredi 28 février 2014

Une entreprise doit-elle privilégier le recrutement externe ou la mobilité interne ?



Une entreprise a deux options lorsqu’elle souhaite pourvoir un poste : le recrutement externe et la mobilité interne. Les recrutements externes sont de plus en plus fréquents. Mais sont-ils préférables à la mobilité interne ?

Pour répondre à cette question, Matthew Bidwell a mené une étude sur les 5.000 employés d’une banque américaine. Il s’est notamment intéressé à l’influence du mode de recrutement sur leur performance, leur rémunération leur évolution de carrière.

Recrutement externe, mobilité interne et performance

Quelle est l’influence du mode de recrutement sur la performance ? Les résultats de l’étude sont très clairs. A poste égal, le personnel recruté à l’extérieur est moins performant que celui qui a bénéficié de la mobilité interne. L’écart finit par se résorber … mais pas avant deux ans en moyenne.

Cette différence s’explique par le fait que les employés recrutés à l’extérieur doivent se familiariser avec le fonctionnement de leur nouvelle entreprise. Ils doivent également acquérir des connaissances propres à cette entreprise. Il leur faut donc plus de temps pour devenir pleinement opérationnels que le personnel qui a bénéficié de la mobilité interne.

Recrutement externe, mobilité interne et rémunération
Comme nous venons de le voir, le personnel recruté à l’extérieur est moins performant que le personnel qui a bénéficié de la mobilité interne (du moins à court terme). On pourrait alors s’attendre à ce qu’il soit moins payé. Paradoxalement, c’est l’inverse ! A poste égal (et en moyenne), les employés recrutés à l’extérieur gagnent 18% de plus que ceux qui ont bénéficié de la mobilité interne.

Plusieurs raisons expliquent ce différentiel. D’une part, le personnel recruté à l’extérieur est généralement plus diplômé et expérimenté que celui qui a bénéficié de la mobilité interne. D’autre part, il faut lui faire une offre suffisamment intéressante pour le convaincre de quitter son entreprise d’origine. Enfin, il s’agit plus fréquemment d’hommes que de femmes …

Recrutement externe, mobilité interne et évolution de carrière
La manière dont laquelle un employé a obtenu un poste influence également son évolution de carrière. De manière assez surprenante, les résultats de l’étude indiquent que les employés recrutés à l’extérieur sont plus susceptibles d’être promus … mais également de d’être licenciés ou de démissionner.

Ce phénomène s’explique par le fait que l’hétérogénéité est plus forte chez les employés recrutés à l’extérieur que chez ceux qui bénéficient de la mobilité interne. Quand la greffe prend, les résultats sont excellents. Quand ce n’est pas le cas, ils sont catastrophiques. L’opération se solde alors par un licenciement ou une démission …

En résumé, une entreprise qui privilégie le recrutement extérieur par rapport à la mobilité interne finit souvent par « payer plus pour en avoir moins » (« paying more to get less »). Elle risque également de démotiver ses autres employés. A moins de vouloir accéder à des compétences qui ne sont pas disponibles en interne, la mobilité interne est souvent préférable au recrutement externe.

vendredi 7 février 2014

Pourquoi les petites entreprises peuvent-elles faire mieux que les grandes ?



On pense souvent que plus un secteur est dominé par de grandes entreprises, plus il est difficile pour une petite entreprise d’y prospérer. Paradoxalement, c’est peut-être le contraire.

L’évolution du secteur de la bière aux Etats-Unis
En 1983, il ne restait plus que 43 brasseries aux Etats-Unis. Michael Porter utilisait ce secteur pour illustrer les concepts d’économie d’échelle et de barrière à l’entrée. Quatre brasseries détenaient 80% du marché … et il semblait impossible pour une nouvelle entreprise de s’y implanter.

C’est alors que le nombre de brasseries américaines a explosé. Depuis 1997, il y en a même plus qu’en Allemagne ! Que s’est-il passé ? Comment est-on passé de moins de 50 brasseries au début des années 1980 à 2.500 en 2010 ?

Concentration et partition
Comme l’ont observé Glenn Carroll et Anand Swaminathan, la plupart des secteurs d’activité évoluent de la même manière.

Dans un premier temps (phase de concentration), les entreprises luttent pour attirer le plus grand nombre possible de clients. La concurrence est féroce. Comme les économies d’échelle jouent un rôle crucial, seules les plus grandes entreprises parviennent à survivre.

Dans un second temps (phase de partition), la disparition de la plupart des entreprises laisse le champ libre à de nouveaux entrants. Ces nouveaux entrants présentent un profil particulier :

  • elles sont plus spécialisées que les grandes entreprises qui dominent le marché ;
  • elles répondent à des attentes en termes de qualité et d’authenticité auxquelles les grandes entreprises sont incapables de répondre.

Retour sur le secteur de la bière aux Etats-Unis
C’est exactement le phénomène que Carroll et Swaminathan ont observé dans le secteur de la bière aux Etats-Unis (grâce à une étude portant sur 2.250 brasseries de la fin des années 1930 à la fin des années 1990 …). Jusqu’au milieu des années 1980, le nombre de brasseries a constamment diminué (phase de concentration). Par la suite, la domination des brasseries « industrielles » a favorisé l’émergence des microbrasseries, plus soucieuses de la qualité et de l’authenticité de leurs produits (phase de partition).

Pour lutter contre ces nouveaux concurrents, les brasseries « industrielles » ont rapidement trouvé la parade. Elles se sont mises à lancer leurs propres « specialty beers ». Ces bières sont parfois meilleures que celles des microbrasseries. Leur qualité est également plus constante. Pourtant, les « specialty beers » des brasseries « industrielles » sont pas parvenues à enrayer l’essor des microbrasseries …

Pourquoi ? Sur le plan de l’authenticité, les brasseries « industrielles » ne peuvent pas lutter avec les microbrasseries. Certaines brasseries « industrielles » ont alors lancé des « specialty beers » en cachant le fait qu’elles leur appartenaient … mais les « vraies » microbrasseries se sont empressées de dénoncer cette filiation !

En bref, les petites entreprises ne sont pas condamnées lorsqu’un secteur d’activité est dominé par de grandes entreprises. Si elles arrivent au bon moment et si elles parviennent à se positionner différemment (en jouant par exemple la carte de l’authenticité), tous les espoirs leur sont permis.