vendredi 4 juillet 2014

Qu’est-ce que le paradoxe de la Reine Rouge (et pourquoi une entreprise peut reculer alors qu’elle fait tout pour avancer) ?



Alors que les entreprises font des efforts considérables pour accroître leur compétitivité, leur performance ne s’améliore pas forcément. Elle peut même se détériorer. Comment expliquer ce paradoxe ?

Le paradoxe de la Reine Rouge
L’expression « paradoxe de la Reine Rouge » est tirée d’une conversation entre Alice et la Reine Rouge dans De l’autre côté du miroir de Lewis Carroll (la suite d’Alice au pays des merveilles). Dans cet échange, Alice constate qu’elle n’avance pas … alors qu’elle court le plus vite possible. La Reine Rouge lui répond alors : « Ici, vous voyez, il faut courir le plus vite possible pour rester au même endroit. Si vous voulez aller ailleurs, il vous faut courir encore deux fois plus vite ! »

Le paradoxe de la Reine Rouge est courant dans le monde des affaires. Sous la pression de la concurrence, les entreprises font des efforts considérables pour être plus compétitives (en faisant évoluer leur « business model », en lançant de nouveaux produits, en adoptant de nouvelles technologies …). Alors qu’elles progressent, leur performance ne s’améliore par forcément … parce que leurs concurrents progressent aussi rapidement qu’elles ! Elle peut même se détériorer si leurs concurrents progressent plus vite qu’elles.

Une étude sur les actions stratégiques des entreprises

Pour mieux comprendre les mécanismes qui sous-tendent le paradoxe de la Reine Rouge, Pamela Derfus, Patrick Maggitti, Curtis Grimm et Ken Smith ont étudié près de 4.500 actions stratégiques effectuées par 58 entreprises américaines dans 11 secteurs d’activité. Ils se sont plus particulièrement intéressés aux actions stratégiques portant sur les prix, la capacité de production, l’implantation géographique, le marketing et le lancement de nouveaux produits.

Les résultats montrent que plus une entreprise réalise d’actions stratégiques :
  • plus son niveau de performance augmente (effet positif direct) ;
  • plus ses concurrents réagissent rapidement et violemment … ce qui contribue à faire diminuer son niveau de performance (effet négatif indirect). Même si les réactions des concurrents n’annihilent pas totalement les bénéfices induits par les actions stratégiques d’une entreprise, elles les réduisent considérablement.

Les résultats suggèrent également que l’intensité du paradoxe de la Reine Rouge dépend de la concentration et de la croissance du secteur d’activité. Les concurrents réagissent plus rapidement et violemment aux actions stratégiques d’une entreprise dans les secteurs concentrés et en faible croissance. La position concurrentielle de l’entreprise joue également un rôle. Les concurrents réagissent moins rapidement et violemment aux actions stratégiques des leaders du marché qu’à celles des autres entreprises (parce qu’ils ont peur des représailles …).

Peut-on s’affranchir du paradoxe de la Reine Rouge ?
Alors que les entreprises courent de plus en plus vite, elles ont souvent l’impression de ne pas avancer. Si ces efforts considérables sont nécessaires, ils leur permettent simplement de ne pas « décrocher » par rapport à leurs concurrents. Faut-il obligatoirement subir le paradoxe de la Reine Rouge ?

A première vue, une entreprise qui refuse de prendre part à la « course aux armements » est condamnée. Il existe pourtant une alternative. Lorsque les entreprises ont l’habitude de courir dans une direction, elles continuent généralement à le faire … même lorsque l’environnement a changé. Il faut alors être le premier à repérer ce changement … et à commencer à courir dans une autre direction !