lundi 30 mars 2015

Vaut-il mieux utiliser un algorithme ou un expert pour prédire si un nouveau produit aura du succès ?



Pour prédire si un nouveau produit aura du succès, il faut utiliser un algorithme ET des experts.

Une étude sur le classement des meilleures ventes de disques en Allemagne et en Angleterre
 Pour prédire si un nouveau produit aura du succès, vaut-il mieux utiliser un algorithme ou un expert ? La réponse à cette question est loin d’être évidente. Si certaines études ont montré que les algorithmes sont plus fiables que les experts, d’autres études ont abouti au résultat inverse.

Pour trancher ce débat, Matthias Seifert et Allègre Hadida ont demandé à 180 personnes de prédire à quelle place 40 « singles » entreraient dans le classement des meilleures ventes de disques en Allemagne et en Angleterre. La moitié des participants étaient des experts du secteur musical. L’autre moitié était des étudiants. Seifert et Hadida ont également développé un algorithme prenant en compte la carrière de l’artiste, les caractéristiques de son nouveau « single » et la promotion dont le « single » avait bénéficié.

Algorithme ou expert ?
Vaut-il mieux se fier à un algorithme ou à un expert ? Les résultats de l’étude montrent que tout dépend du problème auquel on est confronté :
  • lorsqu’un artiste est déjà établi (problème « bien structuré »), l’extrapolation des données existantes donne de meilleurs résultats que les avis d’experts. Les prédictions de l’algorithme sont donc les plus fiables ;
  • lorsqu’un artiste est inconnu (problème « mal structuré »), les prédictions des experts sont meilleures que celles de l’algorithme. Remarquons qu’il ne faut jamais se contenter de l’avis d’un seul expert. Idéalement, il faut en interroger trois !

Algorithme et experts
 Les résultats de l’étude montrent également que l’on obtient les meilleurs résultats en combinant les prédictions de l’algorithme et des experts. Comme on pouvait un peu s’y attendre, il faut donner plus de poids à l’algorithme pour les artistes déjà établis. Le ratio idéal est 58% pour l’algorithme et 42% pour les experts. Lorsque les artistes sont inconnus, il faut donner plus de poids aux experts. Le ratio optimal est 43% pour l’algorithme et 57% pour les experts.

En bref, il faut arrêter d’opposer les experts aux algorithmes. Pour obtenir les prévisions les plus fiables, mieux vaut utiliser un algorithme et plusieurs experts !

jeudi 19 mars 2015

Pourquoi un nouveau produit qui a tout pour plaire au client peut-il connaitre l’échec ?



Comme le montre l’histoire du système PAX de Michelin, un nouveau produit qui a tout pour plaire au client peut connaitre l’échec lorsque l’on néglige son écosystème.

Le PAX : un produit révolutionnaire
En 1998, Michelin lance le PAX, un pneu révolutionnaire qui permet de rouler « à plat » sur une distance de 200 km et à une vitesse de 90 km /h. Le nouveau produit suscite l’enthousiasme. Pour le directeur financier de Michelin : « Tous les autres pneus auront disparu d’ici dix ans. » Les analystes de JD Power partagent cet enthousiasme. Ils prédisent que 80% des véhicules seront équipés de pneus PAX avant 2010.

Pour assurer le succès de son nouveau produit, Michelin passe des accords avec plusieurs constructeurs automobiles. L’entreprise parvient même à s’entendre avec un concurrent (Goodyear …). Contre toute attente, le projet est définitivement abandonné en 2007/

Les trois risques de l’innovation
Pour expliquer l’échec d’un nouveau produit, on met souvent en avant le « risque d’exécution » : dans quelle mesure le nouveau produit répond-il à un besoin du client ? Dans quelle mesure l’entreprise a-t-elle les ressources et compétences nécessaires pour le développer ?

Comme l’a montré Ron Adner, cette explication n’est pas suffisante. Il faut également prendre en compte l’écosystème de l’entreprise. On peut alors distinguer deux autres risques :
  • le « risque de co-innovation » : dans quelle mesure le succès du nouveau produit produit dépend-il d’innovations réalisées par des entreprises situées en amont dans l’écosystème ? 
  • le « risque de la chaine d’adoption » : dans quelle mesure le succès du nouveau produit dépend-il de son adoption par des entreprises situées en aval dans l’écosystème ?

Retour sur le PAX
L’échec de Michelin s’explique avant tout par une mauvaise gestion de son écosystème. Pour pouvoir réparer les pneus PAX, les garagistes devaient réaliser des investissements importants en matériel et en formation du personnel. Tant que le système PAX n’était pas suffisamment répandu, ces investissements ne se justifiaient pas. Les garagistes ne les ont donc pas faits (« risque de la chaine d’adoption ») …

Les clients se sont alors retournés contre Michelin et les constructeurs automobiles. Ils les ont trainés en justice au motif qu’ils leur avaient caché la difficulté à faire réparer les pneus. Aujourd’hui, une version modifiée du système PAX est utilisée par les militaires américains … mais ce n’est qu’un lot de consolation pour Michelin. Le système PAX n’est pas devenu le standard espéré ...

lundi 9 mars 2015

L’argent motive-t-il autant qu’on le pense ?



Dans les entreprises, on pense souvent que l’argent est la principale motivation. Cette croyance est-elle fondée ? Quelle sont ses implications ?

Deux types de motivation
Qu’est-ce qui motive un individu ? Deux théories s’opposent depuis plusieurs décennies. D’après la théorie X, les individus ne sont pas intéressés par leur travail. Pour les motiver, il faut impérativement mettre en place des incitations financières (et des sanctions …). D’après la théorie Y, les individus veulent s’épanouir dans leur travail. Il faut donc leur en donner l’opportunité.

La plupart des entreprises utilisent des incitations financières pour motiver leur personnel. De manière implicite, leurs dirigeants pensent que la théorie X décrit mieux la réalité que la théorie Y. Mais est-ce réellement le cas ?

Une étude dans une grande banque
Pour le savoir, Chip Heath a mené une étude à la Citibank. Les résultats de l’étude sont particulièrement intéressants. Ils montrent que les dirigeants de la banque surestiment l’importance que leurs employés accordent aux aspects financiers. A l’inverse, ils sous-estiment le rôle joué par l’intérêt du travail (« travailler pour quelque chose qui en vaut vraiment la peine » …).

Les dirigeants pensent que les employés sont essentiellement motivés par l’argent. Ils mettent donc l’accent sur les incitations financières. Comme les employés accordent plus d’importance à l’intérêt de leur travail, tout le monde est perdant. Les entreprises utilisent des incitations coûteuses et peu efficaces. Les employés ne sont ni motivés ni épanouis.

Un phénomène plus général ?
Ce phénomène ne se limite pas à la Citibank. Pendant de nombreuses années, un sondage a été réalisé aux Etats-Unis. Les répondants classaient cinq critères par ordre d’importance : salaire, sécurité de l’emploi, temps libre, perspectives de promotion et sentiment d’accomplissement. Généralement, le sentiment d’accomplissement arrivait au premier rang … loin devant le salaire. Lorsqu’on demandait aux Américains ce qui motivait leurs compatriotes, le salaire arrivait en première position ! Il n’est donc pas surprenant que les incitations financières soient devenues la norme dans les entreprises américaines (et européennes) …

En conclusion, on surestime l’importance des incitations financières. Pour accroître la motivation en entreprise, il faut travailler simultanément sur trois dimensions : la dimension matérielle … mais également la dimension personnelle (en leur permettant de s’accomplir dans leur travail) et la dimension sociale (en développant leur sentiment d’appartenance à l’entreprise).