jeudi 23 avril 2015

Une entreprise doit-elle plutôt développer ses forces ou combler ses faiblesses ?



Pour améliorer ses chances de survie, la meilleure solution consiste à combler ses faiblesses. Pour atteindre un niveau de performance élevé, il faut développer ses forces.

Une étude sur l’industrie française

Une entreprise a rarement les moyens de tout faire. Quel est le meilleur moyen d’améliorer sa performance ? A-t-elle plutôt intérêt à développer ses forces ou à combler ses faiblesses ? Pour le savoir, David Sirmon, Michael Hitt, Jean-Luc Arrègle et Joanna Campbell ont étudié un échantillon de près de 1.600 PME industrielles françaises.

Ils se sont intéressés aux forces et aux faiblesses des entreprises dans les domaines suivants : gestion des coûts, fiabilité des produits, innovation « produit », innovation « process », marketing et flexibilité en matière de production. Les domaines dans lesquels les entreprises étaient supérieures à leurs concurrents ont été considérés comme des forces. Les domaines dans lesquels les entreprises étaient inférieures à leurs concurrents ont été considérés comme des faiblesses.

Quels résultats ?
Comme on pouvait s’y attendre, les entreprises les plus performantes sont celles qui ont beaucoup de forces et peu de faiblesses. A l’inverse, les entreprises les moins performantes sont celles qui ont beaucoup de faiblesses et peu de forces.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les entreprises qui ont peu de forces et peu de faiblesses ne s’en tirent pas trop mal. L’absence de faiblesse particulière est suffisante pour assurer un niveau de performance dans la moyenne de leur secteur.

Enfin, le niveau de performance des entreprises qui ont beaucoup de forces et beaucoup de faiblesses est positif (même s’il est moins élevé et plus instable que celui des entreprises qui ont beaucoup de forces et peu de faiblesses). L’influence positive des forces fait donc plus que compenser l’influence négative des faiblesses.

Quelles recommandations ?
Un dirigeant doit-il travailler sur les forces ou les faiblesses de son entreprise ? Tout dépend de sa stratégie.

Si son objectif est d’assurer la survie de l’entreprise, il n’est pas nécessaire de développer ses forces. Il suffit de combler ses faiblesses (ce qui est souvent plus facile que de développer ses forces …).

Si son objectif est d’atteindre un niveau de performance élevé, la meilleure solution reste évidemment de développer les forces et de combler les faiblesses de l’entreprise. Lorsqu’il n’est pas possible d’investir dans tous les domaines, il vaut mieux mettre l’accent sur ses forces. Dans la plupart des cas, les avantages induits par les forces suffisent à compenser les inconvénients causés par les faiblesses.

vendredi 10 avril 2015

Comment imposer une innovation dans une grande entreprise ?



Pour imposer une innovation dans une grande entreprise, il faut parfois rester discret … du moins dans un premier temps.

Que faire lorsque l’on travaille dans une grande entreprise et que l’on a une idée innovante ? Le premier réflexe est de la soumettre à la Direction Générale. Malheureusement, les dirigeants sont constamment sollicités. Ils rejettent la plupart des projets qui leur sont soumis … surtout lorsqu’ils ne sont pas suffisamment aboutis.

Pour innover dans une grande entreprise, Paddy Miller et Thomas Wedell-Wedellsborg proposent une autre démarche.

L’histoire de Jordan Cohen
Au début des années 2000, Jordan Cohen travaille dans le département RH du laboratoire pharmaceutique Pfizer. En observant ses collègues, il constate qu’ils perdent beaucoup de temps à effectuer des tâches sans grande valeur ajoutée. Pourquoi ne pas créer un service qui leur permettrait de les externaliser ?

Plutôt que de soumettre son projet à la Direction Générale de Pfizer, Cohen décide d’innover « sous le radar ». Il commence par tester son idée auprès d’une douzaine de collègues. Comme l’accueil est très positif, il se rapproche de David Kreutter, un manager « senior » qui travaille à la Direction commerciale de Pfizer. Convaincu de l’intérêt du projet, Kreutter décide de l’aider. Il lui propose notamment d’héberger le projet dans sa « business unit ».

Au fur et à mesure que le projet prend de l’ampleur, Cohen ne peut plus nier son existence. Pour détourner l’attention, il explique que le projet s’intègre dans « Adapting to scale », une initiative du PDG de Pfizer pour améliorer la performance de de l’entreprise. Comme personne ne sait en quoi « Adapting to scale » consiste exactement, il peut donc continuer à peaufiner son projet !

Un an plus tard, Cohen présente pfizerWorks, un projet totalement abouti à la Direction Générale. Les utilisateurs sont enthousiastes. Le projet est soutenu par plusieurs cadres de haut niveau. La Direction Générale donne son feu vert. Cohen est même nommé directeur de la nouvelle activité.

Comment innover « sous le radar » ?
 Lorsque l’on souhaite innover dans une grande entreprise, la plus grande erreur consiste à présenter un projet insuffisamment abouti à la Direction Générale. Il vaut mieux le valider avant de le soumettre. Cela nécessite de :
  • trouver des alliés. Les meilleurs alliés sont des managers qui se situent un ou deux « crans » en-dessous du comité de direction. Ils sont plus accessibles et ont suffisamment de pouvoir pour aider un manager à innover « sous le radar ». Dans le cas de pfizerWorks, David Kreutter a joué ce rôle ;
  • accéder à des ressources. Pour innover « sous le radar », il faut des ressources. Dans les grandes entreprises comme Pfizer, il existe souvent des ressources inutilisées. Il faut les repérer … et les utiliser ; 
  • inventer une histoire pour détourner l’attention. Pour innover « sous le radar », il faut également savoir détourner l’attention du reste de l’entreprise. Comme on l’a vu avec Jordan Cohen, cela nécessite parfois de prendre quelques libertés avec la vérité !

La discrétion est donc parfois le meilleur moyen pour imposer une innovation dans une grande entreprise. Mais attention aux dérives. Jérôme Kerviel a innové « sous le radar » à la Société Générale … et les conséquences ont été désastreuses !