vendredi 27 novembre 2015

Le consensus est la pire des solutions pour décider une stratégie



   

La démonstration que le consensus est la pire approche pour prendre une décision ...

Au début des années 1990, l’entreprise Digital Equipment Corporation (DEC) a besoin d’une nouvelle stratégie. Longtemps leader dans le domaine des mini-ordinateurs, DEC perd rapidement du terrain sur le marché des micro-ordinateurs. Ken Olsen, on PDG, hésite entre trois stratégies. Chacune d’entre elles est portée par un de ses Directeurs Généraux :
  • pour Alec, DEC est avant tout un fabricant d’ordinateurs. Il recommande donc une stratégie appelée « boîtes » ;
  • pour Beverly, les ordinateurs vont se banaliser. DEC doit s’appuyer sur les relations qu’elle a nouées avec ses clients pour développer une offre intégrée. Beverly milite donc pour une stratégie appelée « solutions client » ;
  • pour Craig, les composants sont le cœur de l’activité informatique. DEC a donc intérêt à mettre l’accent sur la production de semi-conducteurs. C’est la stratégie « puces ».
Les préférences d’Alec, de Beverly et de Craig sont résumées dans le tableau qui figure à l’écran. Pour Alec, la stratégie « boîtes » est la meilleure, suivie de la stratégie « puces » et de la stratégie « solutions client ». Pour Beverly, la stratégie « solutions client » est la meilleure, suivie de la stratégie « boîtes » et de la stratégie « puces ». Pour Craig, la stratégie « puces » est la meilleure, suivie de la stratégie « solutions client » et de la stratégie « boîtes ».

L’objectif de Ken Olsen était d’aboutir à un consensus. Si on demande aux dirigeants de choisir entre la stratégie « boîtes » et stratégie « puces », la stratégie « boîtes » gagne (car Alec et Beverly la préfèrent à la stratégie « puces »). Si on demande alors aux dirigeants de choisir entre la stratégie « boîtes » et la stratégie « solutions clients », la stratégie « solutions clients » gagne (car Beverly et Craig la préfèrent à la stratégie « boîtes »). En d’autres termes, la stratégie « solutions clients » bat la stratégie « boîtes » qui bat la stratégie « puces ».

On pourrait en déduire que les dirigeants préfèrent la stratégie « solutions clients » à la stratégie « puces ». Le problème est que ce n’est pas le cas ! Lorsque l’on oppose la stratégie « solutions clients » à la stratégie « puces », c’est la stratégie « puces » qui l’emporte (car Alec et Craig la préfèrent à la stratégie « solutions clients »). Quelle que soit la stratégie par laquelle on commence, il est impossible d’aboutir à un consensus. C’est le fameux paradoxe de Condorcet …

Comme les dirigeants de DEC ne parvenaient pas à aboutir à un consensus, ils ont fini par formuler la « stratégie » suivante : « Fournir des produits et des services de grande qualité pour faire de DEC un leader dans le traitement de l’information ». Malheureusement, il s’agissait plus d’une déclaration d’intention que d’une véritable stratégie … Après avoir été marginalisé dans le secteur micro-ordinateurs, DEC finit par être racheté par Compaq (qui fut elle-même rachetée par Hewlett-Packard).

Lorsque l’on formule une stratégie, il n’est pas toujours possible d’aboutir à un consensus. Ce n’est même pas souhaitable. L’art de la stratégie consiste à faire des choix clairs … et pas à rechercher le consensus.

Source : Rumelt, R. (2011), Good Strategy/Bad Strategy: The difference and why it matters, Crown.

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