lundi 23 octobre 2017

Les meilleurs dirigeants ne sont pas toujours les plus visionnaires




Contrairement à ce qu'on pourrait penser, il n'est pas nécessaire d'être visionnaire pour mener une entreprise au succès ...

Au début des années 2000, Andy Grove, alors PDG d’Intel a décrit le métier de dirigeant de la manière suivante : « Aucun d’entre nous ne sait vraiment où il va. Personnellement, je n’en ai aucune idée … Le problème est que les décisions n’attendent pas. Vous ne pouvez pas rester les bras croisés en attendant que la situation se décante … Vous avez donc intérêt faire deux choses : agir en fonction de ce que vous pensez être vrai et changer de cap le plus rapidement possible lorsque vous vous rendez compte que vous faites fausse route. Et il ne faut pas que cela vous déprime. Si vous êtes trop déprimé, vous ne parviendrez pas à motiver vos collaborateurs. Vous devez donc garder le moral tout en étant parfaitement conscient que vous n’avez aucune idée de ce que vous êtes en train de faire. »

Lorsque je présente cette réflexion à des managers, ils sont surpris … et parfois même choqués. Comment ! Un dirigeant aussi réputé qu’Andy Grove ne savait pas où il allait ! Il changeait de cap en permanence ! Il était conscient de ne pas savoir où il allait … et il ne le disait pas à ses collaborateurs !

Une étude menée dans les années 1980 permet d’expliquer cette réaction. Dans cette étude, Barry Staw et Jerry Ross ont présenté quatre scénarios à des managers et à des étudiants de Business Schools :
  • dans le premier scénario, le dirigeant s’en tenait toujours à la même stratégie et connaissait le succès ;
  • dans le deuxième scénario, le dirigeant testait plusieurs stratégies et finissait par connaître le succès ;
  • dans le troisième scénario, le dirigeant s’en tenait toujours à la même stratégie mais échouait ;
  • dans le quatrième scénario, le dirigeant testait plusieurs stratégies et finissait par échouer.

Comment les managers et les étudiants ont-ils évalué les dirigeants ? Sans surprise, les dirigeants qui connaissaient le succès ont été mieux évalués que ceux qui échouaient. Plus intéressant, les dirigeants qui connaissaient le succès en s’en tenant toujours à la même stratégie ont été systématiquement mieux évalués que ceux qui y réussissaient après avoir testé plusieurs stratégies. Notons également que cet effet était beaucoup plus marqué chez les managers que chez les étudiants.

Dans le monde de l’entreprise, on valorise donc particulièrement les dirigeants visionnaires (ceux qui sont capables de formuler très tôt une stratégie qui s’avèrera « gagnante » …) et persévérants (ceux qui s’en tiennent à cette stratégie contre vents et marées …). Les managers sont donc surpris lorsque des dirigeants aussi réputés qu’Andy Grove expliquent qu’ils ne sont ni visionnaires ni persévérants. Dans un monde de plus en plus imprévisible, son approche « expérimentale » est pourtant la meilleure pour espérer connaître le succès.

Source : Staw, B. & Ross, J. (1980), “Commitment in an experimenting society: A study of the attribution of leadership from administrative scenarios”, Journal of Applied Psychology, 65(3), 249.

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