jeudi 22 février 2018

L’effet Mozart ou le mythe de la libération du cerveau




Nous voulons tous devenir plus intelligents ... de préférence sans faire trop d'efforts.

Beaucoup de gens sont convaincus qu’il serait très facile de mieux utiliser son cerveau. Ce mythe explique le succès actuel de Libérer votre cerveau, le best seller d’Idriss Aberkane. Dans les années 1990, il a pris la forme de l’effet Mozart.

En 1993, un article d’une page est publié dans la prestigieuse revue Nature. Ses résultats sont surprenants. Ils montrent que des étudiants qui ont écouté un extrait d’une sonate de Mozart avant de passer un test de QI ont obtenu 9 points de plus que ceux qui sont restés dans le silence ou ceux qui ont fait un exercice de relaxation. L’étude fait l’objet de nombreux articles dans la presse. L’existence d’un effet Mozart se répand comme une trainée du poudre. Un an plus tard, des CD intitulés Mozart vous rend plus intelligent ou Accordez votre cerveau avec Mozart sont commercialisés.

Plusieurs groupes de chercheurs tentent alors de répliquer les résultats de l’étude parue dans Nature. Au total, seize études seront publiées sur l’effet Mozart (la première étude et quinze réplications). Une méta-analyse réalisée sur toutes ces études montrera qu’écouter du Mozart plutôt que de rester dans le silence avant de passer un test de QI permet d’obtenir 1,4 point de plus (un effet qui n’est pas significatif …). En revanche, écouter du Mozart plutôt que de se relaxer permet d’obtenir 3 points de plus (un effet significatif …). Les résultats de l’étude de Nature étaient donc (très nettement) exagérés. Surtout, ce n’est pas le fait d’écouter du Mozart avant de passer un test de QI qui rend plus intelligent. C’est le fait de se relaxer avant de passer ce test qui rend plus bête (ou qui ne met pas dans les bonnes conditions pour se concentrer) !

Contrairement à l’étude de Nature, les réplications et la méta-analyse ne connurent pas un grand retentissement médiatique. C’est un phénomène qu’on observe assez souvent : les médias s’intéressent à la première étude publiée sur un sujet … mais pas du tout aux suivantes. Résultat : 40% des Américains sont actuellement persuadés qu’écouter du Mozart rend plus intelligent !

En bref, nous voulons tous devenir plus intelligents. Ceux qui nous promettent d’y parvenir sans faire trop d’efforts ont encore de beaux jours devant eux !

Source: Chabris, C., Simons, D. (2010), The invisible gorilla and other ways our intuitions deceive us, Harper.

mardi 13 février 2018

Entrepreneurs, ne rédigez surtout pas de "business plan" !




Pour connaître le succès, mieux vaut ne pas rédiger de "business plan" ... 

Lorsqu’un entrepreneur crée sa start-up, on lui conseille souvent de rédiger un "business plan". Est-ce vraiment une bonne idée ? D’un côté, cela peut améliorer ses chances de succès en le forçant à formaliser sa stratégie. D’un autre côté, cela peut figer sa stratégie et l’empêcher de saisir les opportunités au fur et à mesure qu’elles se présentent.

Pour savoir s’il est judicieux de rédiger un "business plan", John Dencker, Marc Gruber et Sonali Shah ont mené une étude sur 436 entrepreneurs allemands. Les résultats sont très clairs : les entrepreneurs qui rédigent un "business plan" sont beaucoup plus susceptibles d’échouer que les autres ! Pour une activité aussi incertaine que la création d’une nouvelle entreprise, il ne sert à rien de vouloir tout planifier.

Les résultats montrent aussi que certains entrepreneurs pâtissent moins de la rédaction d’un "business plan" que les autres. Il s’agit de ceux qui connaissent le mieux le domaine d’activité dans lequel ils créent leur start-up et de ceux qui ont le plus d’expérience en matière de management. L’explication est simple : leur "business plan" est meilleur que celui des entrepreneurs qui connaissent moins bien le domaine dans lequel ils créent leur start-up et qui ont moins d’expérience en matière de management.

Enfin, les résultats montrent que les start-up qui font évoluer leur offre après leur lancement ont plus de chances de survivre que celles qui s’en tiennent à leur offre initiale. Comme pour le "business plan", il faut aussi prendre en compte les caractéristiques des entrepreneurs. Les entrepreneurs qui font le mieux évoluer leur offre sont ceux qui connaissent le mieux le domaine d’activité dans lequel ils créent leur start-up et qui ont le plus d’expérience en matière de management.

En bref, il ne sert à rien d’être dans le vrai lorsqu’on crée une start-up. Il est beaucoup plus important d’être agile par la suite. Il est également souhaitable d’avoir une vraie connaissance du domaine d’activité dans lequel on se lance et une bonne expérience dans le domaine du management.

Source : Dencker, J., Gruber, M., Shah, S. (2009), “Pre-entry knowledge, learning, and the survival of new firms”, Organization Science, 20, 516-537.