vendredi 27 avril 2018

Du produit à la plateforme : la vraie raison du succès de l'iPhone




Le succès de l'iPhone s'explique avant tout par un changement de "business model" ... que Steve Jobs n'avait pas prévu.

En 2007, cinq entreprises (Nokia, Samsung, Motorola, Sony Ericsson et LG) captaient 90% des profits du secteur de la téléphonie mobile. En 2015, Apple s’en octroyait 92%. Comment expliquer ce retournement de situation ?

L’explication est simple. Nokia et les autres utilisaient une stratégie assez classique reposant sur la différenciation de leur produit et la maîtrise de leur chaîne de valeur (design, production, marketing, distribution …). Dans ce modèle appelé "pipeline", les économies d’échelle jouent un rôle central. Plus une entreprise parvient à vendre de produits, plus ses coûts diminuent et plus sa rentabilité augmente.

Apple a opté pour une approche beaucoup plus novatrice. En effet, l’iPhone n’est pas qu’un produit. Grâce à son système d’exploitation, c’est aussi une plateforme qui met en relation des développeurs et des utilisateurs d’applications. Dans ce modèle, les effets de réseau jouent un rôle beaucoup plus important que les économies d’échelle et l’optimisation de la chaine de valeur. Plus les développeurs d’applications sont nombreux, plus les utilisateurs en bénéficient. De la même manière, plus les utilisateurs d’applications sont nombreux, plus les développeurs en bénéficient. En 2015, l’App Store d’Apple proposait 1,4 million d’applications différentes et avait permis aux développeurs de générer 25 milliards de dollars de chiffre d’affaires.

On pourrait en déduire que Steve Jobs a été visionnaire lorsqu’il a ouvert l’App Store et transformé ce qui n’était alors qu’un produit en une plateforme. Ce n’est pas le cas ! Le système d’exploitation du premier iPhone était totalement fermé. Apple ne proposait qu’une poignée d’applications développées en interne. Frustrés, certains clients ont "hacké" le système d’exploitation de l’iPhone pour installer leurs propres applications. La réaction de Steve Jobs ne s’est pas fait attendre : il a renforcé la sécurité du système d’exploitation et menacé de résilier la garantie de tous ceux qui chercheraient à le "hacker". Il a fallu plus d’un an pour qu’il se décide à "ouvrir" le système d’exploitation de l’iPhone aux développeurs d’applications.

Aujourd’hui, de nombreuses entreprises se demandent si elles doivent abandonner leur modèle "pipeline" et migrer vers un modèle "plateforme". Comme le montre l’exemple d’Apple, mieux vaut concilier les deux !

Sources : Van Alstyne, M., Parker, G., Choudary, S. (2016), “Pipelines, platforms, and the new rules of strategy”, Harvard Business Review, April, 54-62 ; Zhu, F., Furr, N. (2016), “Products to platforms: Making the leap”, Harvard Business Review, April, 72-78.

lundi 16 avril 2018

Pourquoi les dirigeants doivent être exemplaires : les leçons de l'Everest




On court souvent à la catastrophe lorsque les dirigeants ne se comportent pas de manière exemplaire ...

En mai 1996, seize alpinistes accompagnés par deux guides expérimentés et par plusieurs sherpas se lancent à l’assaut de l’Everest. Ils se sont préparés pendant plusieurs mois et ont payé 65.000 dollars pour avoir ce privilège. La dernière phase de l’ascension doit les mener du quatrième camp de base au sommet de l’Everest. Elle est très périlleuse car il n’y a pratiquement plus d’oxygène à cette altitude.

Les deux guides (Scott Fisher et Rob Hall) ont édicté une règle très simple pour éviter les accidents : les alpinistes qui ne parviendront pas à atteindre le sommet avant deux heures de l’après-midi devront impérativement faire demi-tour. S’ils ne respectent pas cette règle, ils n’auront plus assez d’oxygène pour effectuer la descente. Ils ne pourront pas non plus revenir au camp de base avant la nuit … alors qu’il n’y a rien de plus dangereux qu’une descente nocturne.

Contre toute attente, seuls quatre alpinistes respecteront la "règle des deux heures de l’après-midi". Scott Fisher par exemple atteindra le sommet à quatre heures moins le quart. La descente nocturne fut d’autant plus terrible qu’une tempête se déclencha. In fine, cinq alpinistes trouvèrent la mort lors de cette expédition … dont Scott Fisher et Rob Hall, les deux guides.

Pourquoi la plupart des alpinistes ont-ils ignoré la "règle des deux heures de l’après-midi" ? A l’origine, cette règle avait été édictée par les guides pour dissuader les alpinistes retardataires de poursuivre leur ascension. Lorsque les guides ont violé leur propre règle, les alpinistes en ont déduit qu’ils pouvaient également le faire … et les conséquences ont été dramatiques.

En bref, on court souvent à la catastrophe lorsque les personnes qui ont le statut le plus élevé ne font pas preuve d'exemplarité. Malheureusement, ce phénomène ne se limite pas aux guides de haute montagne ...

Source : Roberto, M. (2005), Why Great Leaders Don’t Take Yes for an Answer, Prentice Hall. Voir aussi le film Everest (2015) réalisé par Baltasar Kormákur.